Achat de voix: Martin(e) au Tribunal

Achat de voix : Martin(e) au tribunal

  • – Martine à la foire 
  • – Martine fait ses courses 
  • Martine et l’âne …
  • – Martine au cirque 
  • – Martine fait du théâtre 
  • – Martine, il court, il court, le …
  • – Martine se déguise 
  • Martine fait du camping
  • Martine au Tribunal (en cours d’impression)
  • -(A paraître prochainement : Martine au Camp…)

Avertissement aux parents : les 2 derniers numéros de cette célèbre série enfantine ne seront peut-être pas conseillés à la lecture pour les enfants.

Vendredi 7 juin 2019, Tribunal correctionnel de Nouvelle-Calédonie

Compte rendu de la journée du groupe Anticor de Nouvelle Calédonie

            Notre association a décidé de se porter partie civile dans une sombre affaire d’achat de voix dans la commune de PAITA à l’occasion des élections municipales de 2014.

            Le maire sortant Harold Martin (prononcez Martine selon son exigence) est poursuivi, pour achat de quelques centaines de voix, ce qui a permis à Martin(e) (orthographe rectifiée permettant aux lectrices et lecteurs de bien prononcer le nom du prévenu tel qu’il le souhaite) de conserver son poste de maire de PAITA. Son adversaire malheureux, Frédéric De Greslan s’est porté partie civile.

            L’audience est ouverte. Sont présents Harold Martin(e), maire démissionnaire de PAITA et son ancien collaborateur de cabinet, également ex premier adjoint et nouveau maire de PAITA, Willy Gatuhau.

L’association nationale Anticor, partie civile

            L’association nationale Anticor s’est constituée partie civile, il y a quelques jours seulement, et a pu, par conséquent, avoir accès au dossier, c’est-à-dire principalement l’ordonnance de renvoi devant ce tribunal en date du 18 juin 2018. L’association Anticor est représentée par Me Julien Marty, avocat à la cour de Nouméa.

Sur le banc des accusés

            Il y avait 2 corrupteurs présumés (Martin-e- et Gatuhau).

             Il y avait aussi une charrette de 6 présumés corrompus ayant reçu de l’argent ou tenté d’influencer des votes de leur communauté.

            D’abord, nous avons 2 membres de l’équipe de campagne prénommés Grégory et Jean-Pierre, rétribués pour obtenir les suffrages des électrices et des électeurs moyennant des paiements en espèces ou en nature (par exemple cartons de poulet, sacs de riz, alcools ou cigarettes).

            Ensuite, un vieux chef coutumier originaire de Wallis, ne parlant pas français est assisté d’un traducteur.

            Enfin, nous trouvons un groupe familial de 3 personnes prénommées Pierre, Marguerite et leur fille Monia.

Une maison incendiée, une famille baladée

            Ces dernières personnes sont résidentes de la commune de PAITA, mais elles ont été mises gravement en difficulté à la suite de l’incendie de leur maison. Le maire s’était engagé à les aider pour la reconstruction, ne serait-ce que par la mise à disposition de matériel, mais dans les faits, cette famille a été abandonnée malgré les promesses.

            Bien que Monia participe à la liste indépendantiste menée par Monsieur Louis Mapou, sa maman Marguerite est rétribuée par le maire pour distribuer des documents électoraux. Monia n’est bien sûr pas d’accord, et d’autant plus que Grégory (cité plus haut) organise une rencontre avec le maire Harold Martine qui propose d’aider la famille de Monia par un versement de 700 000 Fr. CFP. En échange, il leur est demandé de ramener des voix pour le second tour des élections municipales en faveur de Martin(e). Ils reçoivent d’abord dans une enveloppe 500 000 Fr. CFP devront (plutôt auraient dû) être distribués aux électeurs corrompus par des petites enveloppes de 10 000 Fr. à 30 000 Fr. Marguerite ne l’a pas entendu de cette oreille, elle a considéré que cet argent était enfin une partie de l’aide promise par Martine.

Le rusé Martine floué par une mama Wallisienne

            Elle n’a pas participé à la corruption des électeurs, telle que le voulait Martin(e) qui semble bien avoir été floué par cette maman, disons un peu terre-à-terre.

            Après la victoire du second tour des élections municipales de 2014, Martine satisfait, tient pour une fois sa promesse et remet (ou fait remettre) sous la pression de Grégory (neveu de Marguerite) à la famille une enveloppe complémentaire contenant le solde de 200 000 Fr de la somme de 700 000 Fr. finalement totalement versée. Il semble cependant que Marguerite ait choisi de garder la totalité de la somme, et que Pierre n’ait pas fait campagne dans sa communauté d’origine. Marguerite a toujours considéré que cet argent correspondait avant tout aux promesses antérieures non tenues du rusé Martin(e).

Quiproquo

   Une petite surprise attendait le référent d’Anticor que je suis pour la Nouvelle Calédonie.

            En effet, une tante de Monia (Tatie K…) a été une militante active avec notre groupe qui a mené le combat dans la lamentable affaire dite du « Grand tuyau », c’est-à-dire l’Aqueduc du Grand Nouméa. Pour le coup, les sommes en jeu étaient de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards de francs. La corruption dans cette affaire, (qui impliquait les 4 maires du Grand Nouméa et particulièrement Martine) était un secret de polichinelle, même pour la Chambre Territoriale des Comptes.

            J’avais eu donc l’occasion de rencontrer incidemment Monia et ses parents. Aussi, vers 8 heures du matin, dans la salle du tribunal, au dernier rang est assise toute cette famille (dont Grégory). Monia m’interpelle : « Ah ! Thierry, c’est gentil de venir nous soutenir ». Je rétablis immédiatement la situation en l’informant que pour cette affaire, je ne pouvais pas du tout de son côté. Monia comprend, mais sa maman pas du tout.

528 voix à acheter ou à vendre ?

            À l’occasion du premier tour des élections municipales de 2014, une liste tirée par un certain Silipeto Muliakaaka, n’ayant obtenu que 528 voix, se trouve éliminée pour le second tour. Grégory, propose à Silipeto, qu’il vende à Martine ces voix pour la somme de 6 millions de francs CFP. Le dialogue est confus car Grégory semble parler de vendre puis d’acheter, mais la démarche est claire, il s’agit bien de faire transférer 528 voix du côté de Martin(e) pour le second tour. Si l’affaire se concrétise dans les urnes, Martin(e) a de fortes chances de l’emporter, vu le faible écart de voix (286 voix) entre les 2 premières listes du premier tour. La démarche a été confirmée par un témoin.

La cloche de LAUSIKULA (île de Wallis)

L’église ou la chapelle de Lasikula?

         Un vieux chef coutumier Wallisien prénommé Aukustino, vivant à PAITA rencontre Martine à la demande de ce dernier, entre les 2 tours. Martine évoque le financement de la cloche de ce village de Wallis, dont Aukustino est  le chef. Cette cloche sera finalement payée entièrement par une entreprise de la commune : la SARL ALTITUDE (pour un montant de 1 900 000 Fr.). Martin(e) évoque la carrière de sa fille, employée municipale, et  fait une sorte de geste coutumier avec une enveloppe contenant la coquette somme de 200 000 Fr.CFP. Aukustino , honteux répartira cet argent qu’il considère sale, dans son entourage. Il craint la punition du « Très haut ». Cependant, il reconnut avoir donné instruction à sa communauté de voter pour Martin(e), surtout en remerciement de la cloche.

La brillante intervention d’un seigneur du barreau de Paris : Maître Le Borgne

             Maître Le Borgne est un célèbre avocat métropolitain, défendant souvent des personnalités comme Carlos Goshn. Il est venu spécialement à Nouméa pour représenter la partie civile la plus concernée : Maître Frédéric De Greslan, le candidat malheureux des élections municipales de 2014 à PAITA.

            Me Le Borgne va d’abord s’intéresser aux 6 prévenus supposés corrompus. Il les a tous écoutés avec beaucoup d’attention. Ainsi Aukustino, le vieux chef respecté Wallisien ne parlant pas la langue française, assisté d’un interprète, exprimera son incompréhension pour l’enveloppe reçue avec 200 000 Fr.CFP, il sent bien qu’il y a quelque chose de mal lorsqu’il découvre le contenu de l’enveloppe. Il cherche à s’en débarrasser au plus vite, et il ne garde rien pour lui. Pour la cloche, c’est différent puisqu’il s’agit d’honorer le « Très haut ». Il n’est pas en mesure de comprendre les manœuvres et les magouilles de Martin(e).                      

            Quant à la famille de Monia, en difficulté depuis l’incendie de leur maison, ils ont été abusés par les promesses de Martin(e). Pour Jean-Pierre et Grégory, ce sont de simples travailleurs croyant aux promesses de leur « patron ».

Martine pris au piège dans ses mensonges.

            Au tribunal, ils ont dit avec sincérité ce qu’ils savaient, sans se rendre compte que ce qu’il pouvait dire, allait contre les intérêts de Martine. D’ailleurs, où auraient-ils trouvé tant d’argent à distribuer?

Grégory a bien loué des véhicules chez Thrifty, Martin(e) le traite de menteur, mais le loueur de voitures confirmera qu’il a seulement eu affaire avec Grégory pour le compte de Martin(e) bien sûr.

Il y a quelque chose qui cloche

Harold et Willy nient tout en bloc

            Jean-Pierre, (un mythomane selon Martin(e) qui serait le détenteur de la vérité) bien qu’ayant distribué de 900 000 à 1 200 000 Fr. CFP en dons divers ou en espèces aux électeurs, et malgré les dénégations de Martin(e), ira naïvement saluer ce dernier avec l’autorisation du Président du tribunal. Sa naïveté a enfoncé le prévenu Martin(e), mais il n’a pas pris conscience du tort fait à son « patron ».

            C’est l’honneur d’un grand avocat que d’éclairer la cour au sujet de ces «adversaires » involontaires, victimes d’un délinquant en col blanc. Il n’avait aucune obligation d’assurer cette défense imprévue. Il l’a fait au nom de la justice, et a rappelé ainsi à ses 7 autres collègues les devoirs du métier d’avocat.

Chapeau bas, Maître et Professeur Le Borgne!

La cloche de la corruption

Une cloche standard d’église

Ensuite, Me Le Borgne fait une brillante démonstration surprise sur la cloche de LAUSIKULA. Cette cloche est payée en totalité par une petite entreprise de PAITA, la SARL Altitude dont l’activité dépend en grande partie de la mairie de PAITA. La corruption est dévoilée au grand jour, mais elle n’est pas visible car indirecte sur l’électorat Wallisien très croyant. Si le chef Aukustino était impliqué dans cette affaire de corruption non déclarée, il aurait dû être invité à l’inauguration de la cloche à Wallis ; il n’y a pas non plus de représentant de la SARL Altitude qui a pourtant financé cette cloche. Ce jour-là, il n’y a que Martin(e) pour récolter les bénéfices de sa pression sur toute la communauté Wallisienne de Nouvelle de Calédonie et de Wallis-et-Futuna.

            Ce qui est remarquable dans cette affaire, c’est qu’un avocat apparemment peu connaisseur de l’Océanie, avec un tel brio apporte les preuves de la corruption.

L’intervention du Procureur de la République

            Il faut enfin noter le puissant discours du Procureur de la République, Monsieur Alexis Bouroz qui n’hésitera même pas à traiter Martin(e)de mafieux. Il parlera des écoutes téléphoniques visant Martine et son comparse Gatuhau, grâce auxquelles, il découvre le langage pas très fleuri de Martin(e) (Zenculé de Zoreille par exemple) à son encontre ; je l’’invite pourtant à ne pas s’offusquer des propos de l’individu qui ne sont que des virgules dans le langage local. Par contre, il l’a traité de « procureur  socialiste « , et dans la tête de Martin(e) et de la plupart des politiciens locaux, il n’y a pas pire insulte.

Une Histoire de Pauvreté

            Au risque de me faire traiter de condescendant, vis-à-vis de mes nombreux amis d’origine océanienne, cette affaire me fait penser au « prolétariat en haillons » (Lumpenprolétariat) décrit par Karl Marx. C’est une véritable armée, une armée civile, une armée intérieure, dont la soumission ou la violence, servent les intérêts des puissants et des mafieux.

            Ici, l’extrême misère n’est pas visible, mais on n’en est pas loin quand on constate la peur, la rétractation sous la pression, de certains témoins qui avoueront avoir menti aux enquêteurs. Au cours de plusieurs périples dans tout l’archipel de la Nouvelle Calédonie, j’ai rencontré des gens de toutes origines en grande difficultés, connaissant parfois la faim.   

            Sans m’encombrer d’une quelconque étiquette, c’est pour eux que je mène avec Anticor ce combat.

Délibéré fixé au 25 juin 2019

Dégradé

Étude de la lumière, des couleurs et des formes. Création en studio à l’aide de lentilles endommagées acquises au fil des ans. Chaque estampe est disponible au format 18 x 24 po sur papier longue conservation.

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